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LAFAYETTE, Marie Joseph Gilbert du Motier, marquis de (1757-1834), général et homme poli-tique français. Ensemble de 12 lettres dont 11 L.A.S. et 1 L.S. « Lafayette » ou « L.F. », adressées à Jean-Pierre Pagès (1784-1866), avocat, encyclopédiste et homme politique ariégeois, à Toulouse ou Paris. Une lettre est adressée à Mme Charles de Lasteyrie et trois lettres furent rédigées par Levasseur sous la dictée de Lafayette, en mer, durant le voyage vers l’Amérique. Le Havre, en mer à bord du Cadmus, New-York, Fredericksburg, Philadelphie et La Grange. Juillet 1824 – décembre 1825. 10 pp. 1/2 in-4 et 5 pp. in-8. Adresses aux versos des seconds feuillets et marques postales. Quelques défauts du temps.

Le voyage aux États-Unis du général La Fayette, en 1824 et 1825 : exceptionnel témoignage historique du dernier voyage aux États-Unis du général Lafayette et belle correspondance intime avec son grand ami, l’encyclopédiste Pagès.

1824
Départ du Havre vers les États-Unis, traversée par la mer, arrivée à New-York et tournée à travers les États-Unis, élections présidentielles, et.

– L.A.S. « L.F. ». La Grange, 1er juin 1824. 1 p. in-8. Lafayette mentionne ses cahiers manuscrits « remis il y a longtemps au pauvre M. Gougeon ».
– L.A.S. « L.F. », adressée à Mme Charles Philibert de Lasteyrie [Le Havre], 13 juillet [1824, marque pos-tale]. 1 p. in-8. Feuillet double, adresse au verso du second feuillet, marques postales.
Belle lettre de Lafayette, rédigée le jour de son départ pour les États-Unis, depuis Le Havre.
Récit de « cette bonne matinée du 13 », durant laquelle il fut « comblé de bonheur de tous les côtés », par son amie, l’écossaise Fanny Wright (1795-1852), future citoyenne américaine, libre-penseur, féministe et abolitionniste fervente et la soeur de cette dernière, Camilla. Toutes deux accompagnèrent Lafayette au États-Unis lors de sa tournée héroïque des États fédérés « Les deux chères Fanny et Camilla ne peuvent pas manquer de venir aux États-Unis []. Ma bien aimée Fanny n’a pas été difficile à persuader ; Camilla a été charmante ; il ne lui reste plus rien sur le coeur ». Il évoque ensuite le départ : « Nous sommes comblés ici de témoignages de bienveillance », « Nous sommes accompagnés jusqu’au vaisseau, plus loin même en la rade si les autorités ne s’y opposent pas ». Il mentionne sa « chère Virginie », son « excellent Pagès », Fer-nand, l’époux de sa correspondante : Charles Philibert de Lasteyrie du Saillant (1759-1849), agronome, philanthrope et lithographes français, vice-présidents du Comité central franco-polonais, groupe présidé par son ami La Fayette, etc.
– L.S. « Lafayette » et L.A.S. « L.F. » sur le même feuillet double. « À bord du Cadmus en mer », 30 juil-let et 1er août 1824. 6 pp. in-4. Beau cachet de cire rouge avec profil de Lafayette rayonnant conservé. Papier légèrement bruni.
30 juillet : Exceptionnelle lettre de Lafayette, incapable d’écrire à cause du mal de mer : « J’aurais bien voulu vous embrasser encore une fois avant de partir, mon cher Pagès []. Nous sommes sur un excellent bâtiment [le Cadmus] parfaitement commandé, et nous y voyageons avec plaisir et mélange de discipline, de zèle, de douceur et de bonnes manières qui conviennent aux marins d’un pays vraiment libre, mais quelques soins qu’on ait de nous, cela ne préserve pas du mal de mer et j’en ai plus fort et plus longtemps souffert que dans la traversée de ma jeunesse [] ». Il ajoute « Mr. Courtin m’avait pro-posé de me charger des articles, déclaration des droits, et garde nationale pour votre encyclopédie [] ». Il désire que ces articles soient traités sous les mots « déclaration » et « droits ». Il évoque l’Assemblée natio-nale, la première Déclaration des droits de l’Homme publiée en Europe, le Contrat social de Montesquieu, le Roi Guillaume et les idées politiques brouillées « jusqu’à l’ère américaine. C’est alors pour la pre-mière fois qu’on a cherché franchement les droits naturels de chaque homme, qu’une na-tion entière n’a pas le droit de lui enlever, les droits imprescriptibles []. Vous trouverez que c’est l’opinion de M. de Tracy dans son commentaire sur Montesquieu, c’est aussi celle de Jefferson et de quelques autres bons juges. Elle a servi de base à la déclaration qui est en tête de la Consti-tution [] ». Suit une longue considération politique sur Napoléon Ier et Waterloo, l’indépendance de la Chambre, la fédération de Bretagne, condamne « de mettre à la tête de la France le fripon de Fouché parce qu’il avait été terroriste et à la tête des armées Davout parce qu’il avait été l’âme damnée de l’Empereur [] », etc. La Fayette explique pourquoi il fut écarté du gouvernement, etc.
1er août : belle déclaration d’amitié « je ne suis pas encore débarqué que je pense déjà à mon retour ». La-fayette souhaite voir Pagès multiplier ses rapports avec sa « chère et excellente famille ».
– 2 L.A.S. sur le même feuillet double, signées « L.F. ». « À bord du Cadmus », 12 août et 14 août [1824]. 1 p. 1/3 in-4.
12 août : Lafayette dit avoir souffert du mal de mer durant toute la traversée. Il évoque à nouveau l’encyclopédie de Regnault Warin et ajoute « il y a dans mes prétendues mémoires une singulière faute d’impression : il me fait dire en prenant congé du congrès, au lieu d’union fédérale union féodale ». Il at-tend l’arrivée de Fanny et Camilla, évoque ses compagnons américains à bord du Cadmus, dont un médecin « très distingué ». Les témoignages de bienveillance qu’il a reçu au Havre l’ont bouleversé « j’ai senti que le pouls battait encore ». Il ajoute « quel ami vous êtes pour moi, cher Pagès, je le sens bien profondément ».
14 août : « Nous avons vu le rivage américain, mon cher Pagès ; ce n’est pas sans émotion de ma part après une absence de près de quarante années ». Il charge son correspondant de communiquer les nouvelles de son arrivée à ses amis, qu’il liste et ajoute « nous ne serons dans la baie de New York que demain matin », c’est-à-dire un dimanche, contrariant ainsi l’équipage et les passagers ca-tholiques. « Nous irons, je pense, sous peu de jours à Boston pour être revenus au commen-cement de septembre à New York et aller ensuite à Washington par Philadelphie et Balti-more [] ».
-L.A.S. « L.F. ». New York, 14 septembre [1824]. 1 p. in-8. Fanny et Camilla sont enfin arrivées. Ils sont attendus le soir même « à une grande fête » avec « la petite fille de Mde Washington, nièce du général » puis ils partiront en bateau à vapeur « le long de la rivière du Nord » puis à Philadelphie, Balti-more, Washington, New York. Les filles resteront également pendant « notre plus long séjour à Washington lors de la session du Congrès ». La suite du périple n’est pas encore décidée, mais Lafayette veut assister le 17 juin suivant [1825] « à l’inauguration du monument de Bunker Hill à Boston [] ». La bataille de Bunker Hill fut un tournant important dans la Guerre d’Indépendance américaine et quelques mois plus tard, Lafayette posera effectivement la pierre angulaire du Monument.
– L.A.S. « L.F. ». Fredericksburg [Virginie, ville d’origine de la famille de George Washington], 22 no-vembre 1824. 1 p. ¼ in-8. Lafayette pleure Lacretelle, bien qu’étant « au milieu du tourbillon de bontés inouïes dans lequel je suis entrainé. Notre séjour à Monticello et à Montpellier n’a été qu’un demi repos attendu que les députations, les visites s’y sont succédées, et le temps m’a manqué pour ré-pondre aux lettres les plus importantes et aux invitations publiques des diverses parties des États Unis ». Il poursuit « Voici le moment ou les députés des différents états vont se réunir au Congrès : ce sera le cas de faire usage du prospectus : M. Jefferson m’a promis la souscription de l’Université de Virginie » ainsi que de certaines autres. Lafayette mentionne les élections présidentielles en cours « dont je ne me mêle pas : les mais de [William Harris] Crawford ont fait, je crois, quelques maladresses qui le rejettent en arrière ; les chances paraissent être aujourd’hui entre [John Quincy] Adams et [Andrew] Jackson [] ». Adams l’emportera.

1825
Tournée aux États-Unis, combat abolitionniste de Fanny Wright, retour en France et récep-tion du discours d’adieu du président des États-Unis John-Quincy Adams, adressé au géné-ral La Fayette, le 7 septembre 1825

– L.A.S. « L.F. ». Philadelphie, 24 juillet 1825. 1 p. 2/3 in-4. Cachet de cire rouge LF.
Récit des louanges faites au héros, le combat abolitionniste de Fanny Wright et le projet de retour vers la France : « [] au milieu des bontés qui me comblent, du tourbillon qui m’entraine, et de l’affection populaire qui me charme, il est trop vrai que je suis presque toujours hors de la propre disposition de ma personne ». Il évoque son retour vers la France « on dit que la frégate sera prête pour le 1er du mois ». Fanny et Camilla resteront alors aux États-Unis. « Fanny dédaigne la critique, et prend quelquefois les conseils pour des reproches. D’un autre côté j’aimais mieux les servir que leur plaire. Quelques malveillances féminines s’en sont mêlées ». Elle est « fatiguée des obstacles [] vient de se jeter dans un projet d’affranchissement des noirs. Elle en parle dans des réunions spéciales avec une éloquence qui lui fait des prosélytes []. Elle veut aller dans le sud pour prêcher et prati-quer son expérience, ce qui la retient au moins un aux États Unis [] ».
– L.A.S. « L.F. ». La Grange, 10 octobre 1825. ½ p. in-8. Lafayette arrive à La Grange, heureux et pressé de voir son ami Pagès. « On va recevoir le discours d’adieu du Président et ma réponse ; si on les publie, je me recommande à vous pour que la traduction en soit soignée ». Il sera effectivement publié chez Baudouin frères, 1825 (Paris).
– L.A.S. « L.F. ». La Grange, 15 décembre 1825. ½ p. in-4. « Je vous envoie, mon cher Pagès, trois exem-plaires du discours plus fidèlement traduit du Président des États Unis avec sa réponse. Un exemplaire est pour Pagès, un autre pour Joseph Alexandre Lardier, rédacteur de l’ouvrage Voyage du général Lafayette aux États-Unis d’Amérique en 1824 « que j’engage à s’en tenir de préfé-rence aux autres traductions ou se trouvent plusieurs contre sens » et le dernier pour Benjamin Constant. « B.C. m’avait promis un volume de biographie sans lequel je ne puis pas répondre à ce qu’il me demande [] ».
– L.A.S. « L.F. ». La Grange, 26 décembre 1825. 1 p. grand in-4. Petits trous de vers. Lafayette supervise la publication du discours de John Quincy Adams et de sa propre réponse à ce texte. Il dirige la forme et le fond, veut des citations, liste ses instructions, ajoute sa lettre à Simon Bolivar et sa « réponse aux espagnols », « si Lardier persiste dans l’intention de les insérer », etc. « Notre ami Constant a été prié par les éditeurs de la galerie contemporaine de donner des notes pour la continuation d’un excellent article fait sur moi dans la première édition [] ».
Le Général Lafayette, Etienne Charavay (Paris, Société de l’histoire de la Révolution, 1898).

On joint : [LAFAYETTE, Marie Joseph Gilbert du Motier, marquis de]. Brouillon manuscrit d’une main non identifiée, dicté par Lafayette et envoyé à Pagès. S.l.n.d. [Baltimore, 10 octobre 1924]. Le courrier était destiné à Fanny et Camilla Wright. 1 p. 1/3 in-4. Orthographe fantaisiste.
Relation du voyage de Lafayette entre Baltimore et Washington :
« Nous voici à Baltimore, nous y avons été reçus admirablement et avec les circonstances les plus tou-chantes. C’est au sortir d’un dîner français, à Philadelphie, ou la santé de mon collègue de la Société philo-sophique a été portée en excellent termes par le Ministre colombien que nous nous sommes mis en marche pour l’état de Delaware. Nous entrons après demain à Washington City j’avais pensé à cause de la mort récente du Maire à y arriver inconito mais on a élu un nouveau maire, la corporation veut me recevoir in fiocchi ; Les Ministres de la sainte alliance en auront tout le plaisir – ils nous entoure[nt] d’espions. Au milieu des magnificences dont je suis l’objet en voitures, logement, dîners, escortes, revues, &. Le Ministre des affaires étrangères candidat pour la présidence m’a quitté avant hier à moitié du déjeuner [] le Mi-nistre de la marine n’a pu être à sa visite du Navy Yard ou se construit le plus grand vaisseau de guerre []. Pendant ce temps on fait un Canal qui donne une communication par eau de la Nouvelle Orléans à New York en passant par les Lacs du Canada. Nous avons vu le général Bernard à son retour d’une tournée pour les immenses travaux de canaux. Il est dans l’admiration du développement des États-Unis – de sa manière dont le caractère national et les moyens de force et de prospérité se déploient à pas de géants ».
Ratures et variantes par rapport au texte publié in : Mémoires, correspondance et manuscrits du général Lafayette publiés par sa famille, Société belge de librairie. tome II, 1839, p. 379.